EXTRAIT DE : "HISTORIQUE DES CHAIRES DE CHIMIE, DE
PHYSIQUE VEGETALE ET DE PHYSIOLOGIE VEGETALE DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE",
VICTOR PLOUVIER*, BULL. MUS. NATN. HIST. NAT., PARIS, 4E SÉR., 3, 1981,
MISCELLANEA : 93-155.
 
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ORIGINE ET EVOLUTION DES DEUX CHAIRES DE CHIMIE ET DE LA CHAIRE DE PHYSIQUE VEGETALE
Les laboratoires du 63 de la rue de Buffon
Les terrains acquis entre la rue de Buffon et la rue Poliveau étaient occupés par des pépinières (plan de 1853). On y avait élevé quelques hangars et abris de jardiniers, l'abattoir (1837) et des ateliers (1869) près de la Bièvre, les laboratoires de Physique végétale (1858) et d'Anatomie comparée (1860). En 1872, l'architecte André y construisit - sur les indications de Frémy - les bâtiments du 63 de la rue de Buffon destinés à trois chaires : la Chimie inorganique d'Edmond Frémy, la Botanique et Physiologie végétale d'Adolphe Brongniart et la Culture de Joseph Decaisne.
Frémy ouvrit son nouveau laboratoire le 26 décembre 1872. G. Tissandier a décrit l'activité qui régnait dans les nouveaux locaux au cours des premiers mois de I873. "La chimie occupe tout le rez-de-chaussée, ainsi, que le 1er et le 2e étage de l'aile gauche (côté 61 ) ; les étages du centre et de l'aile droite sont réservées aux botanistes de Brongniart.
"Dans la cour, à droite et à gauche, des paillasses en plein air sont protégées par un vitrage. Les grandes salles du rez-de-chaussée, avec paillasses et fourneaux sont occupées par les élèves : chacun d'eux y a sa place. Dans le couloir, des armoires servent de vestiaires. Au 1er étage se trouve une salle de conférences et de collections (restée telle quelle), au 2e étage, la bibliothèque. C'est l'Ecole de Frémy ; 65 jeunes gens y travaillent.
"Derrière cette grandiose installation, dans le jardin, à gauche, se trouve le laboratoire plus modeste de Decaisne qui est une longue galerie vitrée servant à l'anatomie et à la physiologie végétales. Il y règne la tranquillité ; on y voit des hottes, des longues tables ; les anatomistes ont l'oeil au microscope ; tout est d'une propreté méticuleuse. Dans la grande salle, Dehérain dirige les travaux. Le jardin sert aux expériences de culture et son aménagement n'est pas terminé".
Professeur depuis 1833, A. Brogniart avait la charge des herbiers du Muséum depuis la suppression de la chaire de Botanique des Jussieu (1853). Ayant lui-même beaucoup augmenté les collections, il n'avait cessé de réclamer des locaux. En 1874, la chaire supprimée fut rétablie pour Edmond Bureau (1830-1919) qui était aide-naturaliste (1872) de Brongniart. Cette nouvelle chaire avait ses collections partagées entre la rue de Buffon et la galerie de botanique.
Après la mort de Brongniart (1876), son successeur Van Tieghem, nommé en 1879, installa à titre provisoire la partie principale de son service dans le même local ; il avait en outre deux annexes (pour les Cryptogames et les plantes fossiles) dans la galerie de botanique. Le laboratoire d'enseignement de l'Ecole pratique des hautes études commun aux deux chaires de Botanique était alors au 63 de la rue de Buffon ; la salle centrale du 1er étage servait aux conférences de botanique. A côté, dans "une pièce basse et poussiéreuse, Van Tieghem accueillait ses élèves (Louis Mangin y prépara sa thèse, 1882)". Dans un cabinet spécial accessible aux travailleurs, il plaça l'herbier général des Algues dont le classement fut achevé en 1882. Dans tous ses rapports, il réclamait avec insistance la construction d'un nouveau local.
En 1877, plus de 7000 échantillons de bois indigènes et exotiques, soit la plus grande partie de la collection du Muséum, étaient rangés au second étage ; leur nombre ayant été augmenté par des dons lors des expositions de 1878 et 1889, il fallut en mettre au grenier.
Le terrain du 61 de la rue de Buffon n'appartenait pas au Muséum et formait une enclave dans remplacement destiné aux laboratoires (terrain du docteur Baillarger). Un décret du 26 juillet 1877 a déclaré son expropriation d'utilité publique. Il fut donc acquis et l'on fit aussitôt des projets de locaux pour plusieurs chaires, entre autres celles de Van Tieghem et de Decaisne. Ce dernier avait demandé d'y être logé, car Dehérain, nommé professeur en 1880, avait conservé le local primitivement affecté a la Culture.
Les bâtiments du 61 furent construits par André en 1886. Decaisne étant mort en 1882, c'est son successeur Maxime Cornu qui installa la chaire de Culture dans son nouveau local. Van Tieghem s'installa à son tour en janvier 1889, laissant au 63 la collection des bois ainsi que les collections et la bibliothèque cryptogamiques.
Dans son Encyclopédie chimique, Fremy exprime sa satisfaction au sujet de ses nouveaux locaux et n'a pas manqué d'y placer des photographies de son école. En 1881, il fit construire dans le jardin, à droite, en face du bâtiment de Dehérain, un laboratoire particulier pour Auguste Verneuil. Celui-ci y travailla, seul ou avec quelques collaborateurs, jusqu'en 1905.
Après la suppression de la chaire de Chimie inorganique (1892), le local du 63 de la rue de Buffon fut affecté à la chaire de Chimie organique. Arnaud, qui travaillait au laboratoire du grand amphithéâtre depuis plus de vingt ans, vint donc s'y installer ; avec l'aide de Bourgeois, il l'équipa pour la chimie extractive. En 1894, il fit aménager, au rez-de-chaussée de l'aile droite, un amphithéâtre pour les cours (son tableau noir à glissière existe encore). En 1911, il regrettait de ne pouvoir agrandir la bibliothèque qui devenait trop petite, la salle contiguë étant encore occupée par la botanique.
L'éclairage électrique fut installé en 1921, le téléphone directement relié à la ville en 1922. Simon fit remplacer la paillasse de plein air du côté droit par un petit laboratoire vitré avec hotte (1924) ; la même année, il fit réduire de moitié la longueur de l'amphithéâtre et enlever les gradins pour aménager deux nouvelles salles de travail avec paillasses. Fosse s'occupa de l'installation du grand laboratoire du premier étage et de la bibliothèque au-dessus. Mentzer modernisa l'appareillage.
Après la mort de Dehérain (1902), la chaire de Physiologie végétale est devenue chaire de Botanique (Cryptogamie) ; celle-ci est restée dans le même local. Son premier titulaire, Louis Mangin, dirigea ce laboratoire pendant vingt-huit ans et fut aussi directeur du Muséum de 1919 à 1931. Dans la grande salle de Dehérain surtout réservée aux algologues, il organisa des expositions annuelles de champignons qui eurent beaucoup de succès (2500 visiteurs en 1908). Mme M. Lemoine, actuellement doyenne du Muséum, y commença ses études en 1904.
L'ancienne salle des travailleurs de Van Tieghem, au premier étage, devint la salle d'herbier de la Cryptogamie (Mousses et Champignons). Parmi ceux qui y travaillèrent, citons : Fernand Camus (1852-1915, spécialiste des Mousses), Paul Hariot (1854-1917), pharmacien, entré chez Van Tieghem en 1888), Paul Biers (1867-1929), Narcisse Patouillard (1), Paul Jovet, Roger Heim (entré en 1920, il y prépara sa thèse en 1930), Marius Chadefaud (algologue, thèse en 1935). En 1912, le célèbre herbier Drake del Castillo (3200 paquets de plantes, riche en flore de Madagascar et d'Océanie) fut installé près des collections de Cryptogames, dans une salle de travaux pratiques désaffectée. Il s'y trouvait encore en 1930.
Mangin avait la jouissance du jardin pour ses recherches, En 1915, il protesta énergiquement contre l'introduction d'un service militaire dans les laboratoires de chimie. En 1932, il eut pour successeur Pierre Allorge, algologue et bryologue entré en 1922.
En 1935, la chaire de Cryptogamie fut transférée dans les locaux spacieux de la nouvelle galerie de botanique, réclamée et attendue depuis 1911, et dont la construction venait d'être achevée (12, rue de Buffon). Depuis le 8 janvier 1936, le 63 appartient uniquement à la Chimie.
De 1936 à 1947, l'ancien local de Dehérain fut occupé par la Physique végétale, puis Sannié le loua à des industriels (Péchiney puis Organico). En 1967, Mentzer le récupéra pour installer la spectrométrie de masse (1969) ; aujourd'hui, il est également occupé par le carbone-13 et la résonance magnétique nucléaire, et le laboratoire de l'environnement (rénové en 1977 pour A. Resplandy). Quant à l'ancienne salle d'herbier du premier étage. Mentzer la transforma en laboratoire (1960).
Depuis 1872, l'intérieur des bâtiments a été modifié par quelques aménagements : plusieurs grandes salles divisées par des cloisons, chauffage par calorifères devenu chauffage central, puis chauffage urbain depuis février 1946... Leur aspect extérieur n'a pas changé. Ils paraissent anciens si on les compare aux belles constructions modernes, En 1952, Heim écrivait : "l'état des laboratoires de chimie n'est pas digne de notre pays". Cependant, depuis lors, le ravalement, la réfection de la toiture et divers aménagements les ont un peu rénovés. Ils sont pourvus de toutes les installations désirables et équipés pour la sécurité (soute à solvants, douches, échelles murales). On travaille avec plaisir dans leurs salles claires et spacieuses où l'on trouve le calme et la tranquillité.
Frémy avait apporté tout son art dans les premières installations ; son ombre est encore partout présente dans cette maison qu'il a aimée et qu'il anima de son enthousiasme. Combien de chercheurs se sont succédé après lui ? Que de souvenirs entre ces vieux murs ! En un siècle n'ont-ils pas vu passer plus de dix savants qui furent membres de l'Institut et dont le nom fait honneur au Muséum : des chimistes (Frémy, G. Bertrand, Fosse), des physiologistes (Dehérain, Maquenne), des naturalistes (Brongniart, Decaisne, Van Tieghern, Mangin, Heim)*. La connaissance de leurs découvertes faites ici-même constitue pour les chercheurs d'aujourd'hui le meilleur des exemples.
Faut-il également rappeler que le voisinage du laboratoire a conservé quelques souvenirs de son aspect pittoresque d'autrefois ? Son jardin bien vert offre toujours ses ombrages et des possibilités de cultures expérimentales. Mais, derrière la porte du fond (où il y avait jadis un pont), on ne voit plus couler la Bièvre dans un cadre de verdure et de vieilles maisons : ses eaux polluées sont cachées dans un égout ; cette petite rivière n'est plus visible à Paris depuis 1912. Près de l'Anatomie comparée, un grand saule pleureur plus que centenaire marque encore son emplacement ; un ancien lavoir a été démoli en 1976. Les petits potagers, espaces verts et pépinières qui subsistent dans ce coin tranquille font penser aux cultures maraîchères d'autrefois tandis que, tout à côté, se construisent de grands immeubles le long de la rue Poliveau
Grâce à la haute autorité de M. Berthelot, la Chimie inorganique fut l'une des première chaires qui pu s'installer dans des locaux neufs et spacieux. Plusieurs autres chaires n'étaient pas aussi favorisées, comme en témoignent les lignes suivantes : "Les galeries d'Anatomie comparée et d'Anthropologie menacent ruine et sont campées dans de vieux bâtiments ayant servi autrefois d'écuries et de hangars : tout y tombe, parquets, toitures, murailles et l'illustre Armand de Quatrefages n'a qu'un bouge pour laboratoire... Dans une glacière étroite et obscure, Claude Bernard se livrait à ses travaux immortels (1878)... La Minéralogie et la Botanique sont dans une misère honteuse (1884)"
Archives nationales - Manuscrits concernant le Muséum : AJ 15 (registres et cartons numérotes ). Registres des procès-verbaux des Assemblées de professeurs (1790 à 1848) : 90-142. Etats de traitements de l'an II à 1883 : 150-238. Bâtiments et terrains : 513. Organisation du Muséum : 515. Maisons et terrains en location : 522. Terrain Baillarger : ,523. Etats nominatifs de traitements de l'an IV à 1910 : 533. Organisation des laboratoires : 849. Inventaire du matériel : 852. Travaux de 1833 à 1864 : 802. Papiers de l'architecte Rohault de Fleury (travaux de 1833 a 1867) : 803-800. Comptabilité : 874-877
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Tissandier, G. - Les nouveaux laboratoires du Muséum d'Histoire naturelle
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Heim, R. - Leçon inaugurale
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Rattachée à la chaire de Phanérogamie en 1913, la collection de bois fut partiellement transférée à Vincennes pour l'exposition coloniale de 1931. Restée jusqu'à ces dernières année dans un pavillon accessible au public, elle est actuellement disséminée
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Archives nationales - Manuscrits concernant le Muséum : AJ 15 (registres et cartons numérotes ). Registres des procès-verbaux des Assemblées de professeurs (1790 à 1848) : 90-142. Etats de traitements de l'an II à 1883 : 150-238. Bâtiments et terrains : 513. Organisation du Muséum : 515. Maisons et terrains en location : 522. Terrain Baillarger : ,523. Etats nominatifs de traitements de l'an IV à 1910 : 533. Organisation des laboratoires : 849. Inventaire du matériel : 852. Travaux de 1833 à 1864 : 802. Papiers de l'architecte Rohault de Fleury (travaux de 1833 a 1867) : 803-800. Comptabilité : 874-877
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VAN Tieghem, P. - Rapports annuels de MM. les Professeurs du Muséum, 1879 : 22 ; 1882 : 27 ; 1888-1889 : 77
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Frémy, E. Retour au Texte
Hasenfratz, V. - A. Arnaud (1853-1915)
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N. Patouillard (1854-1926), pharmacien, spécialiste de mycologie exotique (260 publications) s'est occupé bénébolement pendant ingt ans des collections cryuptogamiques ; sous-directeur en 1923
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Avec J.L. Hamel, Mentzer équipa pour la chimie extractive la Station écologique de la Jaysinia (Fondation Cognacq-Jay), à Samoëns (Haute-Savoie)
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A. Brongniart (1801-1876) : créateur de la paléontologie végétale. J. Decaisne (1807-1882) : horticulteur scientifique, auteur de nombreux mémoires. P. Van Tieghem (1839-1914) : fut le premier à appliquer l'anatomie à la classification de végétaux. L. Mangin (1852-1937) : spécialiste des Micromycètes et phytophathologiste
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BERY, A. - La Bièvre autrefois et aujourd'hui
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Visiteurs
Thèse doct. 3e cycle. Ecole Pratique des Hantes Etudes, VIe section, Paris. 1, 1969
La Nature, 1873, 1 : 5-7
Bull. Mus. natn. Hist. nat., Paris, 1946, 18 (3) : 226-252
Thèse doct. 3e cycle. Ecole Pratique des Hantes Etudes, VIe section, Paris. 1, 1969
Encyclopédie chimique, 1882, vol. 1, fasc. 2 : 775-785
Archs Mus. natn. Hist. nat., Paris, 1933, 6e sér., 8 : 125-137
G. Ficker. Paris, 1911 : 232 p.
Le plan de A. Clément (1898) montre que la Bièvre était couverte derrière les laboratoires mais coulait enore à ciel ouvert derrière l'école Soeur Rosalie et dnas les pépinières. Un décret du 6 mars 1909 a déclaré d'utilité publique les travaux de couverture de la Bièvre dans les 5e et 13e arrondissments